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amenèrent au village de Zany-el-Abedin. Nasser livra les femmes aux soldats, et donna à l’aga la jeune fille, qui, au milieu de la nuit, vengea son honneur en poignardant le Turc dans son sommeil. Son bras vigoureux lui perça le cœur, et le laissa mort sur le coup ; puis, sortant sans bruit, elle rejoignit sa tribu, et répandit partout l’indignation et la fureur parmi les Bédouins, qui jurèrent de mourir ou de tuer Nasser, et de remplir des vases de son sang pour les distribuer aux tribus, en mémoire de leur vengeance.

Le châtiment ne se fit pas attendre : un engagement ayant eu lieu entre un parti commandé par Zaher et un autre aux ordres de Nasser, ces deux chefs, qui se détestaient, se recherchent et s’attaquent avec acharnement. Les Bédouins restent spectateurs du combat de ces guerriers, égaux en valeur et en adresse. La lutte fut longue et terrible : enfin leurs chevaux fatigués n’obéissant plus aussi promptement aux ordres de leurs maîtres, Nasser ne peut éviter un coup de la lance de Zaher, qui le traverse d’outre en outre ; il tombe ; ses cavaliers se sauvent, ou consignent leurs chevaux[1]. Zaher coupa en morceaux le corps de Nasser, le mit dans une couffe[2], l’envoya au camp de Mehanna par un prisonnier à qui il coupa le nez. Il revint ensuite dans sa tribu, exultant dans sa vengeance.

Mehanna fit demander des secours aux Bédouins de Chamma (Samarcande), de Neggde, et aux Wahabis ; ils

  1. Lorsqu’un Bédouin abandonne volontairement son cheval à son ennemi, celui-ci ne peut plus ni le tuer ni le faire prisonnier.
  2. Espèce de panier en jonc.