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coup dans les ravines de sable, et nous ne voyions plus que le ciel sur nos têtes. Je suivais Julia, qui se retournait souvent vers moi avec son beau visage tout coloré d’émotions et de fatigue, et je lisais dans ses yeux, dont le regard semblait m’interroger, ses impressions mêlées de terreur, d’enthousiasme et de plaisir. Le bruit de la mer augmentait, et nous annonçait le rivage ; nous le découvrîmes tout à coup, élevé, escarpé à pic sous les pieds de nos chevaux ; il dominait la Méditerranée de deux cents pieds au moins ; le sol, solide et sonore sous nos pas, quoique recouvert encore d’une légère couche de sable blanc, nous indiquait le rocher succédant aux vagues de sable : c’était le rocher en effet qui borde toutes les côtes de Syrie. Nous étions arrivés par hasard à un des points de cette côte où la lutte de la pierre et des eaux présente à l’œil le plus étrange spectacle : le choc répété des flots ou des tremblements de terre ont détaché en cet endroit, du bloc continu de la côte, d’immenses collines de roches vives qui, roulées dans la mer et y ayant pris leur aplomb, ont été usées, polies, léchées par les vagues depuis des siècles, et ont affecté les formes les plus bizarres.

Il y avait devant nous, à une distance d’environ cent pieds, un de ces rochers debout, sortant de la mer et dressant sa crête au-dessus du niveau du rivage ; les vagues, en le frappant sans cesse, avaient fini par le fendre dans son milieu, et par y former une arche gigantesque, semblable à l’ouverture d’un monument triomphal. Les parois intérieures de cette arche étaient polies et luisantes comme le marbre de Carrare ; les vagues, en se retirant, laissaient voir ces parois à sec, toutes ruisselantes de l’écume qui re-