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arrêtées là, et dansaient a l’ombre, tenant chacune à la main un des objets du ménage ou de la parure de leur compagne ; elles nous suivirent longtemps en poussant des cris sauvages, et en s’attachant à la robe de Julia et à la crinière de nos chevaux, pour obtenir quelques pièces de monnaie ; nous leur en jetâmes ; elles s’enfuirent, et se précipitèrent toutes dans le fleuve pour regagner le camp.

Après avoir traversé le Nahr-Bayruth et l’autre moitié de la plaine cultivée, et ombragée de jeunes palmiers et de pins, nous entrâmes dans les collines de sable rouge qui s’étendent à l’orient de Bayruth, entre la mer et la vallée du fleuve : c’est un morceau du désert d’Égypte, jeté au pied du Liban et entouré de magnifiques oasis : le sable en est rouge comme de l’ocre, et fin comme une poussière impalpable ; les Arabes disent que ce désert de sable rouge n’est pas apporté la par les vents ni accumulé par les vagues, mais vomi par un torrent souterrain qui communique avec les déserts de Gaza et de El-Arich ; ils prétendent qu’il existe des sources de sable comme des sources d’eau ; ils montrent, pour confirmer leur opinion, la couleur et la forme du sable de la mer, qui ne ressemble en rien en effet à celui de ce désert. La couleur est aussi tranchée que celle d’une carrière de granit et d’une carrière de marbre. Quoi qu’il en soit, ce sable, vomi par des fleuves souterrains ou semé là par les grands vents d’hiver, s’y déroule en nappes de cinq à six lieues de tour, et élève des montagnes ou creuse des vallées qui changent de forme à chaque tempête ; à peine a-t-on marché quelque temps dans ces labyrinthes ondoyants, qu’il est impossible de savoir où l’on se trouve ; les collines de sable vous cachent l’horizon de toutes parts ; au-