Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Syrie, emmenant avec eux leurs familles et leurs troupeaux. Ils s’emparent d’un bois, d’une plaine, d’une colline abandonnés, et s’y établissent ainsi pour cinq ou six mois. Beaucoup plus barbares que les Arabes, on redoute en général leurs invasions et leur voisinage : ce sont les Bohémiens armés de l’Orient.

Entourés de cette foule d’hommes, de femmes et d’enfants, nous marchâmes quelques minutes aux sons de cette musique sauvage et aux cris de cette multitude, qui nous regardait avec une curiosité moitié rieuse, moitié féroce. Nous nous trouvâmes bientôt au milieu du camp, devant la porte de la tente d’un des scheiks de la tribu. Ils nous firent descendre de cheval, remirent nos chevaux, qu’ils admiraient beaucoup, à la garde de quelques jeunes Kurdes, et nous apportèrent des tapis de Caramanie, sur lesquels nous nous assîmes au pied d’un arbre. Les esclaves du scheik nous présentèrent les pipes et le café : les femmes de la tente apportèrent du lait de chamelle pour Julia. La vue de ce camp de barbares nomades, au milieu d’une sombre forêt de pins, mérite qu’on la décrive.

La forêt, dans cet endroit, était clair-semée et entrecoupée de larges clairières. Au pied de chaque arbre une famille avait sa tente : ces tentes n’étaient, pour la plupart, qu’un morceau de toile noire, de poil de chèvre, attaché au tronc de l’arbre par une corde, et, de l’autre côté, supporté par deux piquets plantés en terre ; la toile souvent n’entourait pas tout l’espace occupé par la famille ; mais un lambeau seulement retombait du côté du vent ou du soleil, et abritait l’aire de la tente et le feu du foyer. On n’y voyait