Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cher immédiatement sur la plage ; leurs arbres se détachent en noir sur le bleu des vagues, et nous nous amusions quelquefois, assis au pied d’un palmier, à voir les voiles des vaisseaux, qui étaient en réalité à quatre ou cinq lieues de nous, glisser lentement d’un arbre à l’autre comme s’ils eussent navigué sur un lac, dont ces vallons étaient immédiatement le rivage.

Nous arrivâmes enfin, par le seul hasard de nos pas, au plus complet et au plus enchanté de ces paysages. J’y reviendrai souvent.

C’est une vallée supérieure, ouverte de l’orient à l’occident, et encaissée dans les plis de la dernière chaîne de collines qui s’avance sur la grande vallée où coule le Nahr-Bayruth. Rien ne peut décrire la prodigieuse végétation qui tapisse son lit et ses flancs : bien que des deux côtés ses parois soient de rocher, elles sont tellement revêtues de lichens de toute espèce, si suintantes de l’humidité qui s’y distille goutte à goutte, si revêtues de grappes de bruyères, de fougères, d’herbes odoriférantes, de lianes, de lierres et d’arbustes enracinés dans leurs fentes imperceptibles, qu’il est impossible de se douter que ce soit la roche vive qui végète ainsi. C’est un tapis touffu d’un ou deux pieds d’épaisseur ; un velours de végétation serré, nuancé de teintes et de couleurs, semé partout de bouquets de fleurs inconnues, aux mille formes, aux mille odeurs, qui tantôt dorment immobiles comme les fleurs peintes sur une étoffe tendue dans nos salons ; tantôt, quand la brise de la mer vient à glisser sur elles, se relèvent avec les herbes et les rameaux, d’où elles s’échappent comme la soie d’un animal qu’on caresse à re-