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10 novembre 1832.


Ce matin, je suis allé errer de bonne heure avec Julia sur la colline que les Grecs nomment San-Dimitri, à une lieue environ de Bayruth, en se rapprochant du Liban, et en suivant obliquement la courbe de la ligne de la mer. Deux de mes Arabes nous accompagnaient, l’un pour nous guider, l’autre pour se tenir à la tête du cheval de Julia, et la recevoir dans ses bras si le cheval s’animait trop. Quand les sentiers devenaient trop rapides, nous laissions nos montures un moment, et nous parcourions à pied les terrasses naturelles ou artificielles qui forment des gradins de verdure de toute la colline de San-Dimitri.

Dans mon enfance je me suis représenté souvent ce paradis terrestre, cet Éden que toutes les nations ont dans leurs souvenirs, soit comme un beau rêve, soit comme une tradition d’un temps et d’un séjour plus parfaits ; j’ai suivi Milton dans ses délicieuses descriptions de ce séjour enchanté de nos premiers parents ; mais ici, comme en toutes choses, la nature surpasse infiniment l’imagination. Dieu n’a pas donné à l’homme de rêver aussi beau qu’il a fait. J’avais rêvé Éden, je puis dire que je l’ai vu.

Quand nous eûmes marché une demi-heure sous les arceaux de nopals qui encaissent tous les sentiers de la plaine,