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Les familles grecques, syriennes et arabes de cultivateurs, qui habitent ces maisons au pied du Liban, n’ont rien de sauvage ni rien de barbare ; plus instruits que les paysans de nos provinces, ils savent tous lire, entendent tous deux langues, l’arabe et le grec ; ils sont doux, paisibles, laborieux et sobres ; occupés toute la semaine des travaux de la terre ou de la soie, ils se délassent le dimanche en assistant avec leurs familles aux longs et spectaculeux offices du culte grec ou syriaque ; ils rentrent ensuite à la maison, pour prendre un repas un peu plus recherché que les jours ordinaires ; les femmes et les jeunes filles, parées de leurs plus riches habits, et les cheveux tressés et tout parsemés de fleurs d’oranger, de giroflée-ponceau et d’œillets, restent assises sur des nattes, à la porte de la maison, avec leurs voisines et leurs amies. Il serait impossible de peindre avec la plume les groupes admirables de pittoresque, de richesse de costume et de beauté que ces femmes forment alors dans la campagne. Je vois là tous les jours des visages de jeunes femmes ou de jeunes filles que Raphaël n’avait pas entrevus, même dans ses songes d’artiste. C’est bien plus que la beauté italienne et que la beauté grecque ; c’est la pureté de formes, la délicatesse de contours, en un mot, tout ce que l’art grec et l’art romain nous ont laissé de plus accompli ; mais cela est rendu plus enivrant encore par une naïveté primitive et simple d’expression, par une langueur sereine et voluptueuse, par un jour céleste que le regard des yeux bleus bordés de cils noirs répand sur les traits, et par une finesse de sourire, une harmonie de proportions, une blancheur animée de la peau, une transparence indescriptible du teint, un vernis métallique des cheveux, une grâce de mouvements, une