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l’administration turque, les laissait cultiver avec un peu plus de sécurité ; ils ont la passion de la terre.

Je quittai Yenikeui et ses aimables et bons paysans avec regret : c’est un ravissant séjour d’été ; tout le village nous accompagna à une lieue dans le Balkan, et nous combla de vœux et de bénédictions ; nous franchîmes le premier Balkan en un jour : ce sont des montagnes à peu près semblables à celles d’Auvergne, accessibles et cultivables presque partout ; cinq cents ouvriers pendant une saison y feraient la plus belle route carrossable. En trois jours j’arrivai à Sophia, grande ville dans une plaine intérieure, arrosée d’une rivière ; un pacha turc y résidait ; il envoya son kiaia au-devant de moi, et me fit donner la maison d’un négociant grec. J’y passai un jour ; le pacha m’envoya des veaux, des moutons, et ne voulut accepter aucun présent. La ville n’a rien de remarquable.

En quatre petites journées de marche, tantôt dans des montagnes d’un abord facile, tantôt dans des vallées et des plaines admirablement fertiles, mais dépeuplées, j’arrivai dans la plaine de Nissa, dernière ville turque presque aux frontières de la Servie ; je précédais à cheval, d’une demi-heure, la caravane. Le soleil était brûlant ; à environ une lieue de la ville, je voyais une large tour blanche s’élever au milieu de la plaine, brillante comme du marbre de Paros ; le sentier m’y conduisait ; je m’en approchai, et, donnant mon cheval à tenir à un enfant turc qui m’accompagnait, je m’assis à l’ombre de la tour pour dormir un moment : à peine étais-je assis, que, levant les yeux sur le monument qui me prêtait son ombre, je vis que ses murs,