Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/427

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souper chez lui, et d’y passer la nuit. Nous eûmes beaucoup de peine à résister à ses instances, et nous ne pûmes les vaincre qu’en lui disant que ma femme et mes amis, qui me savaient au sérail, seraient dans une mortelle inquiétude s’ils ne me voyaient pas reparaître. « Vous êtes en effet, me dit-il, le premier Franc qui y soit jamais entré, et c’est une raison pour que vous y soyez traité en ami. Le sultan est grand, et Allah est pour tous ! » Il nous accompagna jusqu’aux escaliers intérieurs qui descendent, de la plate-forme du palais du sultan, dans le dédale de petits jardins du harem, dont j’ai parlé, et nous confia aux soins d’un chef de bostangis, qui nous fit passer, de kiosques en kiosques, de parterres en parterres, tous plantés de fleurs, tous arrosés de fontaines jaillissantes, jusqu’à la porte d’une haute muraille qui sépare les palais intérieurs du sérail des grandes pelouses extérieures. Là nous nous trouvâmes au pied des platanes énormes qui s’élèvent à plus de cent pieds de haut contre les murailles et les balcons élevés du harem. Ces arbres forment là une forêt et des groupes entrecoupés de pelouses vertes ; plus loin sont des arbres fruitiers, et de grands jardins potagers cultivés par des esclaves nègres qui ont leurs cabanes sous les arbres. Des ruisseaux arrosent ces plantations irrégulières. Non loin du harem est un vieux et magnifique palais de Bajazet, abandonné aux lierres et aux oiseaux de nuit. Il est en pierre, et d’une admirable architecture arabe. On le restaurerait aisément, et il vaudrait à lui seul le sérail tout entier ; mais la tradition porte qu’il est peuplé par les mauvais esprits, et jamais aucun Osmanli n’y pénètre.

Comme nous étions seuls, j’entrai dans une ou deux