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infirmes des deux sexes, pour les nourrir par charité dans leurs maisons. L’esprit de Dieu n’abandonne jamais tout à fait les hommes.

Les dernières chambres que nous visitâmes étaient à demi fermées, et on nous disputa quelque temps l’entrée ; il n’y avait qu’une seule esclave dans chacune, sous la garde d’une femme. C’étaient de jeunes et belles Circassiennes nouvellement arrivées de leur pays. Elles étaient vêtues de blanc, et avec une élégance et une coquetterie remarquables. Leurs beaux traits ne témoignaient ni chagrin ni étonnement, mais une dédaigneuse indifférence. Ces belles esclaves blanches de Géorgie ou de Circassie sont devenues extrêmement rares, depuis que les Grecques ne peuplent plus les sérails, et que la Russie a interdit le commerce des femmes.

Cependant les familles géorgiennes élèvent toujours leurs filles pour ce honteux commerce, et des courtiers de contrebande parviennent à en emmener de temps en temps des cargaisons. Le prix de ces belles créatures va jusqu’à douze ou vingt mille piastres (de trois à cinq mille francs), tandis que les esclaves noires d’une beauté ordinaire ne se vendent que cinq ou six cents francs, et les plus belles mille à douze cents. En Arabie et en Syrie, on en aurait pour cinq ou six cents piastres (de cent cinquante à deux cents francs). Une de ces Géorgiennes était d’une beauté accomplie : les traits délicats et sensibles, l’œil doux et pensif, la peau d’une blancheur et d’un éclat admirables. Mais la physionomie des femmes de ce pays est loin du charme et de la pureté de celles des Arabes : on sent le Nord dans ces figures. Elle fut