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forme d’une colline boisée, ou groupées sur la pointe des rochers où le courant vous porte, et se brise en vagues bleues comme le ciel de nuit ; quelques voiles blanches de pêcheurs qui se traînent dans les anses profondes, et qu’on voit glisser d’un platane à l’autre, comme une toile sèche que les laveuses replient ; d’innombrables volées d’oiseaux blancs qui s’essuient sur le bord des prés, des aigles qui planent du haut des montagnes sur la mer ; les criques les plus mystérieuses, entièrement fermées de rochers et de troncs d’arbres gigantesques, dont les rameaux, chargés de nuages de feuilles, se courbent sur les flots, et forment sur la mer des berceaux où les caïques s’enfoncent ; un ou deux villages cachés dans l’ombre de ces criques, avec leurs jardins jetés derrière eux sur des pentes vertes, et leurs groupes d’arbres au pied des rochers, avec leurs barques bercées par la douce vague à leur porte, leurs nuées de colombes sur leur toit, leurs femmes et leurs enfants aux fenêtres, leurs vieillards assis sous le platane au pied du minaret ; des laboureurs qui rentrent des champs dans leurs caïques ; d’autres qui remplissent leurs barques de fagots verts, de myrte ou de bruyère en fleur pour les sécher et les brûler l’hiver.

Cachés derrière ces monceaux de verdure pendante, qui débordent et trempent dans l’eau, on n’aperçoit ni la barque ni le rameur, et l’on croit voir un morceau de la rive, détaché de terre par le courant, flotter au hasard sur la mer, avec ses feuillages verts et ses fleurs encore parfumées. Le rivage offre cet aspect jusqu’au château de Mahomet II, qui, de son côté aussi, semble fermer le Bosphore comme un lac de Suisse. Là il change de caractère : les collines