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forment les limites des deux puissances. Deux frégates, anglaise et française, à l’ancre dans le canal en face de chaque palais, sont là pour attendre le signal des ambassadeurs, et porter aux flottes de la Méditerranée les messages de guerre ou de paix.

Buyukdéré, charmante ville au fond du golfe que forme le Bosphore au moment où il se coude pour aller se perdre dans la mer Noire, s’étend comme un rideau de palais et de villas sur les flancs de deux sombres montagnes. Un beau quai sépare les jardins et les maisons de la mer. La flotte russe, composée de cinq vaisseaux, de trois frégates et de deux bâtiments à vapeur, est mouillée devant les terrasses des palais de Russie, et forme une ville sur les eaux, en face de la ville et des délicieux ombrages de Buyukdéré. Les canots qui portent les ordres d’un vaisseau à l’autre ; les embarcations qui vont chercher l’eau aux fontaines ou promener les malades sur le rivage ; les yachts des jeunes officiers, qui luttent comme des chevaux de course, et dont les voiles, penchées sous le vent, trempent dans la vague ; les coups de canon qui résonnent dans les profondeurs des vallées d’Asie, et qui annoncent de nouveaux vaisseaux débouchant de la mer Noire ; un camp russe assis sur les flancs brûlés de la montagne du Géant, vis-à-vis la flotte ; la belle prairie de Buyukdéré sur la gauche, avec son groupe de merveilleux platanes, dont un seul ombrage un régiment tout entier ; les magnifiques forêts des palais de Russie et d’Autriche, qui dentellent la cime des collines ; une foule de maisons élégantes et décorées de balcons qui bordent les quais, et dont les roses et les lilas pendent en festons du bord des terrasses ; des Arméniens avec leurs