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de Sainte-Sophie pour en faire une mosquée. Quelques parties de l’enduit sont tombées, et laissent réapparaître l’ancienne décoration chrétienne. Des galeries circulaires, adossées à de vastes tribunes, règnent autour de la basilique, à la hauteur de la naissance de la voûte. L’aspect de l’édifice est beau de là : vaste, sombre, sans ornement, avec ses voûtes déchirées et ses colonnes bronzées, il ressemble à l’intérieur d’un tombeau colossal dont les reliques ont été dispersées. Il inspire l’effroi, le silence, la méditation sur l’instabilité des œuvres de l’homme, qui bâtit pour des idées qu’il croit éternelles, et dont les idées successives, un livre ou un sabre à la main, viennent tour à tour habiter ou ruiner les monuments. Dans son état présent, Sainte-Sophie ressemble à un grand caravansérai de Dieu. Voilà les colonnes du temple d’Éphèse, voilà les images des apôtres avec leurs auréoles d’or sur la voûte, qui regardent les lampes suspendues de l’iman.

En sortant de Sainte-Sophie, nous allâmes visiter les sept mosquées principales de Constantinople ; elles sont moins vastes, mais infiniment plus belles. On sent que le mahométisme avait son art à lui, son art tout fait, et conforme à la simplicité de son idée, quand il éleva ces temples simples, réguliers, splendides, sans autels pour ses victimes. Ces mosquées se ressemblent toutes, à la grandeur et à la couleur près ; elles sont précédées de grandes cours entourées de cloîtres, où sont les écoles et les logements des imans. Des arbres superbes ombragent ces cours, et de nombreuses fontaines y répandent le bruit et la fraîcheur voluptueuse de leurs eaux. Des minarets d’un travail admirable s’élèvent, comme quatre bornes aériennes, aux quatre coins de la