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rail, les collines de Stamboul et les trois mers, comme d’un réseau bleu semé de perles, où toute cette nature semble nager ; si la lueur plus douce du firmament où monte la lune naissante laisse assez de lumière pour voir les grandes masses de ce tableau, en effaçant ou en adoucissant les détails ; — vous avez à toutes les heures du jour et de la nuit le plus magnifique et le plus délicieux spectacle dont puisse s’emparer un regard humain ; c’est une ivresse des yeux qui se communique à la pensée, un éblouissement du regard et de l’âme. C’est le spectacle dont je jouis tous les jours et toutes les nuits depuis un mois.

L’ambassadeur de France m’ayant proposé de l’accompagner dans la visite que tous les ambassadeurs nouvellement arrivés ont le droit de faire à Sainte-Sophie, je me suis trouvé ce matin, à huit heures, à une porte de Stamboul qui donne sur la mer, derrière les murs du sérail. Un des principaux officiers de Sa Hautesse nous attendait sur le rivage, et nous a conduits d’abord dans sa maison, où il avait fait préparer une collation. Les appartements étaient nombreux et élégamment décorés, mais sans autres meubles que des divans et des pipes. Les divans sont adossés aux fenêtres qui donnent sur la mer de Marmara. Le déjeuner était servi à l’européenne ; les mets seuls étaient nationaux : ils étaient nombreux et recherchés, mais tous nouveaux pour nous. Après le déjeuner, les dames sont allées voir les femmes du colonel turc, renfermées pour ce jour-là dans un appartement inférieur. Le harem ou appartement des femmes était celui même où nous avions été reçus. Nous étions munis tous de babouches de maroquin jaune pour nous chausser dans la mosquée ; sans cela il aurait fallu ôter nos bottes