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pavillons qui glissent ou s’élèvent du haut des mâts, la foule des caïques, la réverbération vaporeuse des dômes, des mosquées, des flèches, des minarets dans la mer : tout cela, où est-il ? Essayons encore.

Les collines de Galata, de Péra, et trois ou quatre autres collines, glissent de mes pieds à la mer, couvertes de villes de différentes couleurs ; les unes ont leurs maisons peintes en rouge de sang, les autres en noir, avec une foule de coupoles bleues qui entrecoupent ces sombres teintes ; entre chaque coupole s’élancent des groupes de verdure formés par les platanes, les figuiers, les cyprès des petits jardins attenant à chaque maison. De grands espaces vides, entre les maisons, sont des champs cultivés et des jardins où l’on aperçoit les femmes turques, couvertes de leurs voiles noirs, et jouant avec leurs enfants et leurs esclaves à l’ombre des arbres. Des nuées de tourterelles et de pigeons blancs nagent dans l’air bleu au-dessus de ces jardins et de ces toits, et se détachent, comme des fleurs blanches balancées par le vent, du bleu de la mer, qui fait le fond de l’horizon. — On distingue les rues qui serpentent en descendant vers la mer comme des ravines, et, plus bas, le mouvement de la population dans les bazars, qu’enveloppe un voile de fumée légère et transparente. Ces villes ou ces quartiers de ville sont séparés les uns des autres par des promontoires de verdure couronnés de palais de bois peints et de kiosques de toutes les nuances, ou par des gorges profondes où le regard se perd entre les racines des coteaux, et d’où l’on voit s’élever seulement les têtes de cyprès et les flèches aiguës et brillantes des minarets. Arrivé à la mer, l’œil s’égare sur sa surface bleue au milieu d’un dédale de bâtiments à l’ancre ou à la