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n’ait versé en lui la dernière goutte du sang d’Othman ; on le trouve enfin, caché sous des rouleaux de tapis, dans un coin obscur du sérail. Il croit qu’on le cherche pour l’immoler. On le place sur le trône ; Baraictar se prosterne devant lui. Les têtes des partisans de Mustapha sont exposées sur les murs ; ses femmes sont cousues dans des sacs de cuir et jetées à la mer. Mais, peu de jours après, Constantinople devient un champ de bataille. Les janissaires se révoltent contre Baraictar, et redemandent pour sultan Mustapha, que la clémence de Mahmoud avait laissé vivre. Le sérail est assiégé ; l’incendie dévore la moitié de Stamboul. Les amis de Mahmoud lui demandent la mort de son père Mustapha, qui peut seule sauver la vie du sultan et la leur : la sentence expire sur ses lèvres ; il se couvre la tête d’un châle et se roule sur un sopha. On profite de son silence, et Mustapha est étranglé. Mahmoud, devenu ainsi le dernier et unique rejeton d’Othman, était un être inviolable et sacré pour tous les partis. Baraictar avait trouvé la mort dans les flammes en combattant autour du sérail, et Mahmoud commença son règne.

La place de l’Atméidan, qui se dessine d’ici en noir derrière les murs blancs du sérail, témoigne du plus grand acte du règne de ce prince, l’extinction de la race des janissaires. Cette mesure, qui pouvait seule rajeunir et revivifier l’empire, n’a rien produit qu’une des scènes les plus sanglantes et les plus lugubres qu’aucun empire ait dans ses annales. Elle est encore écrite sur tous les monuments de l’Atméidan en ruines, et en traces de boulets et d’incendie. Mahmoud la prépara en profond politique et l’exécuta en héros. Un accident détermina la dernière révolte.