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Turcs au fond des caïques, et prendre garde que le poids du corps soit également partagé entre les deux côtés de la barque. Il y en a de différentes grandeurs, pouvant contenir depuis un jusqu’à quatre ou huit passagers ; mais tous ont la même forme. On en compte par milliers dans les ports de Constantinople ; et, indépendamment de ceux qui, comme les fiacres, sont au service du public à toute heure, chaque particulier aisé de la ville en a un à son usage, dont les rameurs sont ses domestiques. Tout homme qui circule dans la ville pour ses affaires est obligé de traverser plusieurs fois la mer dans sa journée.

En sortant de cette petite place, nous entrâmes dans les rues sales et populeuses d’un bazar de Péra. Au costume près, elles présentent à peu près le même aspect que les environs des marchés de nos villes : des échoppes de bois, où l’on fait frire des pâtisseries ou des viandes pour le peuple ; des boutiques de barbiers, de vendeurs de tabac, de marchands de légumes et de fruits ; une foule pressée et active dans les rues ; tous les costumes et toutes les langues de l’Orient se heurtant à l’œil et à l’oreille ; par-dessus tout cela, les aboiements des chiens nombreux qui remplissent les places et les bazars, et se disputent les restes qu’on jette aux portes. Nous entrâmes de là dans une longue rue, solitaire et étroite, qui monte par une pente escarpée au-dessus de la colline de Péra ; les fenêtres grillées ne laissent rien voir de l’intérieur des maisons turques, qui semblent pauvres et abandonnées ; de temps en temps la verte flèche d’un cyprès sort d’une enceinte de murailles grises et ruinées, et s’élance immobile dans un ciel transparent. Des colombes blanches et bleues sont éparses sur les fenêtres et les toits