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18 mai 1833.


Réveillé au jour : j’entends le rapide sillage du vaisseau et les petites vagues du matin, qui résonnent comme des chants d’oiseaux autour des flancs du brick ; j’ouvre le sabord, et je vois, sur une chaîne de collines basses et arrondies, les châteaux des Dardanelles avec leurs murailles blanches, leurs tours, et leurs immenses embouchures de canon ; le canal n’a guère qu’une lieue de large dans cet endroit ; il serpente, comme un beau fleuve, entre la côte d’Asie et la côte d’Europe, parfaitement semblables. Les châteaux ferment cette mer, comme les deux battants d’une porte ; mais, dans l’état présent de la Turquie et de l’Europe, il est facile de forcer le passage par mer, ou de faire un débarquement et de prendre les forts à revers ; le passage des Dardanelles n’est inexpugnable que gardé par les Russes.

Le courant rapide nous fait passer, comme la flèche, devant Gallipoli et les villages qui bordent le canal ; nous voyons les îles de la mer de Marmara gronder devant nous ; nous suivons la côte d’Europe pendant deux jours et deux nuits, contrariés par des vents du nord. Le matin, nous apercevons les îles des Princes au fond de la mer de Marmara, dans le golfe de Nicée, et à notre gauche le château des Sept-Tours et les sommités aériennes des innombrables minarets de Stamboul, qui passent du front les sept collines