Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et les rochers retentissants de la côte sont illuminés par des éclairs qui suppléent le jour, et nous montrent de temps en temps notre route ; les deux bricks se touchent presque, et nous tremblons de nous briser. Enfin une manœuvre, hardie en pleine nuit, nous fait prendre l’embouchure étroite de la rade de Phocée ; nous entendons mugir à droite et à gauche les vagues sur les rochers ; un faux coup de gouvernail nous y jetterait en lambeaux ; nous sommes tous muets sur le pont, attendant que notre sort s’éclaircisse ; nous ne voyons pas nos propres mâts, tant la nuit est sombre ; tout à coup nous sentons le brick qui glisse sur une surface immobile ; quelques lumières brillent autour de nous sur les contours du bassin où nous sommes heureusement entrés, et nous jetons l’ancre sans savoir où ; le vent rugit toute la nuit dans nos mâts et dans nos vergues, comme s’il allait les emporter ; mais la mer est immobile.

Délicieux bassin de l’antique Phocée, d’une demi-lieue de tour, creusé comme un fort circulaire entre de gracieuses collines couvertes de maisons peintes en rouge, de chaumières sous les oliviers, de jardins, de vignes grimpantes, et surtout de magnifiques champs de cyprès, au pied desquels blanchissent les tombes des cimetières turcs ; — descendus à terre ; visité les ruines de la ville qui enfanta Marseille. Reçus avec accueil et grâce dans deux maisons turques, et passé la journée dans leurs jardins d’orangers. — La mer se calme le troisième jour, et nous sortons à minuit du port naturel de Phocée.