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Rhodes et de Cos ; un immense continent est à deux lieues ; nous courons des bordées sans fin entre ce continent et ces îles ; nous voyons le soleil resplendir sur les grandes ruines des villes grecques et romaines de l’Asie Mineure. Le lendemain, nous nous revenons dans le Boghaz étroit de Samos, entre cette île et celle d’Ikaria ; la haute montagne qui forme presque à elle seule l’île de Samos est sur nos têtes, couverte de rochers et de bois de sapins ; nous apercevons des femmes et des enfants au milieu de ces rochers. La population de Samos, soulevée en ce moment contre les Turcs, s’est réfugiée sur la montagne ; les hommes sont armés dans la ville et sur les côtes. Samos est une montagne du lac de Lucerne, éclairée par le ciel d’Asie ; elle touche presque, par sa base, au continent ; nous n’apercevons qu’un étroit canal qui l’en sépare.

La tempête nous prend dans le golfe de Scala-Nova, non loin des ruines d’Éphèse ; nous entrons le matin dans le canal de Scio, et nous cherchons un asile dans la rade de Tschesmé, célèbre par la destruction de la flotte ottomane par Orloff. L’île ravissante de Scio s’étend, comme une verte colline, de l’autre côté d’un grand fleuve ; ses maisons blanches, ses villes, ses villages, groupés sur les croupes ombragées de ses coteaux, brillent entre les orangers et les pampres ; ce qui reste annonce une immense prospérité récente et une nombreuse population. Le régime turc, à la servitude près, n’avait pas pu étouffer le génie actif, industrieux, commerçant, cultivateur, des populations grecques de ces belles îles ; je ne connais rien en Europe qui présente l’aspect d’une plus grande richesse que Scio ; c’est un jardin de soixante lieues de tour.