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uns avaient profité de la caravane pour visiter le tombeau de David ou la vallée de Tibériade ; d’autres avaient spéculé sur les gains à faire en fournissant des vivres à la multitude. De temps en temps, la foule à pied était interrompue par quelques chameaux chargés d’immenses ballots, et accompagnés de leurs moukres dans le costume arabe : veste et large pantalon brun brodé de bleu, le cafié jaune sur la tête ; puis venaient des familles arméniennes ; les femmes, cachées sous le grand voile blanc, voyageaient dans un tactrewan, sorte de cage portée sur deux mulets ; les hommes en longues robes de couleur foncée, la tête couverte du grand calpack carré des habitants de Smyrne, conduisaient par la main leurs fils, dont l’aspect grave, réfléchi, calculateur, ne laisse rien percer de la légèreté de l’enfance ; — des matelots grecs et des patrons de vaisseaux pirates, qui étaient venus des ports de l’Asie Mineure et de l’Archipel, chargés de pèlerins comme un négrier d’esclaves, juraient dans leur langue énergique, et pressaient la marche pour rembarquer au plus vite leur cargaison d’hommes. Un enfant malade était porté sur une litière, entouré de ses parents qui pleuraient leur espérance déçue du miracle de la guérison subite qu’ils attendaient de leur pieux pèlerinage. — Hélas ! moi aussi je pleurais ! j’avais espéré et prié comme eux ; mais, plus malheureuse encore, je n’avais plus même l’incertitude sur l’étendue de mon malheur !…

» À la fin, venait une foule de malheureux Cophtes déguenillés, hommes, femmes et enfants, se traînant avec peine comme au sortir d’un hôpital. Toute cette troupe, brûlée par le soleil, haletant de soif, marchait, marchait