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» C’était peut-être une imitation, pieuse dans l’origine, des mouvements des astres dansant devant le Créateur ; c’était peut-être un effet de cette même inspiration enthousiaste et passionnée qui fit jadis danser David devant l’arche du Seigneur. Quelques-uns de nous faisaient comme la femme du roi-poëte, et étaient tentés de se moquer des derviches. Ils leur semblaient insensés, comme à des hommes qui ignoreraient le fond de notre culte pourraient paraître quelques observances monacales, la mendicité de nos moines, les macérations de certains ordres ascétiques ; mais, quelque absurde que soit au premier coup d’œil de la raison une pratique religieuse, une raison plus profonde et plus haute y trouve toujours quelque chose à respecter : le motif qui l’inspire. Rien de ce qui touche à l’idée de Dieu n’est ridicule ; c’est quelquefois atroce, souvent insensé, mais toujours sérieux. La conscience du derviche est en paix quand il a accompli sa valse pieuse, et il croit que ses pirouettes ont honoré la Divinité. Mais si nous ne le regardons pas comme ridicule, nous sommes quelquefois tentés de le prendre en pitié, et je ne sais si nous avons plus le droit de l’un que de l’autre. Nous-mêmes, où en serions-nous sans les enseignements du christianisme qui sont venus éclairer notre raison ? serait-elle plus lumineuse que la sienne ? L’histoire est là pour répondre. On trouve un Platon pour des milliers d’idolâtres.

» En sortant de la tour nous entrons dans les galeries d’un cloître ruiné, qui conduisent à une église souterraine ; nous descendons par plusieurs marches sous une voûte surbaissée, que porte une belle colonnade. L’aspect d’une église souterraine m’a toujours paru d’un effet imposant et atten-