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» En approchant nous vîmes des enfants nus sortir, comme des Lapons, de ces petits cônes renversés, qui formaient leurs habitations ; quelques femmes, les cheveux pendants, couvertes à peine par une chemise bleu foncé, quittaient le feu qu’elles allumaient sur deux pierres pour préparer leur repas, et montaient au sommet de leur hutte, afin de nous voir défiler plus longtemps.

» Après quatre heures de marche nous arrivâmes à Ramla, où nous étions attendus par l’agent du consulat sarde, qui avait la bonté de nous prêter sa maison, les femmes ne pouvant être logées au couvent latin. Dans la soirée nous visitâmes une ancienne tour, à un demi-quart de lieue de la ville, appelée la tour des Quarante Martyrs, maintenant occupée par des derviches tourneurs. — C’était un vendredi, jour de cérémonie pour leur culte ; nous y assistons. — Une vingtaine de derviches, vêtus d’une longue robe et d’un bonnet pointu de feutre blanc, étaient accroupis en cercle dans une enceinte entourée d’une petite balustrade ; celui qui paraissait être le chef, figure vénérable à grande barbe blanche, était, par distinction, placé sur un coussin et dominait les autres. Un orchestre composé d’un nâhi ou basson, d’une shoubabé, sorte de clarinette, et de deux petits tambours réunis, appelés nacariate, jouait les airs les plus discordants à nos oreilles européennes. Les derviches se lèvent gravement un à un, passent devant le supérieur, le saluent, et commencent à tourner en cercle sur eux-mêmes, les bras étendus et les yeux élevés vers le ciel. Leur mouvement, d’abord lent, s’anime peu à peu, arrive à une rapidité extrême, et finit par former comme un tourbillon où tout est confusion et éblouissement ; tant que l’œil peut les