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heures pour aller coucher à Ramla : je reste seul chez M. Damiani.

Cinq jours passés à errer seul dans les environs : les amis arabes que j’avais connus à Jaffa dans mes deux premiers passages me conduisent dans les jardins qu’ils ont aux alentours de la ville ; j’ai déjà décrit ces jardins : ce sont des forêts profondes d’orangers, de citronniers, de grenadiers, de figuiers, arbres aussi grands que des noyers en France ; le désert de Gaza entoure de toutes parts ces jardins ; une famille de paysans arabes vit dans une cabane attenante ; il y a une citerne ou un puits, quelques chameaux, des chèvres, des moutons, des colombes et des poules. Le sol est couvert d’oranges et de limons tombés des arbres ; on dresse une tente au bord d’un des canaux d’irrigation qui arrosent le terrain, semé de melons et de concombres ; on étend des tapis ; la tente est ouverte du côté de la mer pour recevoir la brise qui règne depuis dix heures du matin jusqu’au soir ; elle se parfume en passant sous les têtes d’orangers, et apporte des nuages de fleurs d’oranger. On voit de là les sommets des minarets de Jaffa, et les vaisseaux qui vont et viennent de l’Asie Mineure en Égypte.

Je passe mes journées ainsi ; j’écris quelques vers sur la seule pensée qui m’occupe ; je voudrais rester ici : Jaffa, isolé de l’univers entier, au bord du grand désert d’Égypte, dont le sable forme des dunes blanches autour de ces bois d’orangers, sous un ciel toujours pur et tiède, serait un séjour parfait pour un homme las de la vie, et qui ne désire qu’une place au soleil. — La caravane revient.