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approcher le plus possible, je prie le scheik de me donner son fils et quelques cavaliers ; je laisse à Éden ma femme et ma caravane ; je monte le plus vigoureux de mes chevaux, Scham, et nous sommes en route au lever du soleil.

Marche de trois heures sur des crêtes de montagnes ou dans des champs détrempés de neige fondue ; j’arrive sur les bords de la vallée des Saints, gorge profonde où l’œil plonge du haut des rochers, vallée plus encaissée, plus sombre, plus solennelle encore que celle de Hamana ; au sommet de cette vallée, à l’endroit où, en montant toujours, elle touche aux neiges, superbe nappe d’eau qui tombe de cent pieds de haut sur deux ou trois cents toises de large ; toute la vallée résonne de cette chute et des bonds du torrent qu’elle alimente ; de toutes parts le rocher des flancs de la montagne ruisselle d’écume ; nous voyons, à perte de vue, au fond de la vallée, deux grands villages dont les maisons se distinguaient à peine des rochers roulés par le torrent ; les cimes des peupliers et des mûriers paraissent, de là, des touffes de joncs ou d’herbes ; on descend dans le village de Beschieraï par des sentiers taillés dans le roc et tellement rapides, qu’on ne peut concevoir que des hommes s’y hasardent ; il en périt souvent : une pierre lancée de la crête où nous sommes tomberait sur le toit de ces villages, où nous n’arriverions pas dans une heure de descente ; au-dessus de la cascade et des neiges, s’étendent d’immenses champs de glace, qui ondulent comme des vapeurs d’une teinte tour à tour verdâtre et bleue ; à environ un quart d’heure sur la gauche, dans une espèce de vallon semi-circulaire, formé par les dernières croupes du Liban, nous voyons une large tache noire sur la neige : ce sont les