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scheik nous avait fait allumer un grand feu ; nous déjeunâmes et nous reposâmes nos chevaux dans ce lieu. La montée devient ensuite si rapide sur des rochers nus et glissants comme du marbre poli, qu’il est impossible de comprendre comment les chevaux arabes parviennent à les gravir et surtout à les descendre ; quatre Arabes à pied entouraient chacun des nôtres, et le soutenaient de la main et des épaules : malgré cette assistance plusieurs roulèrent sur le rocher, mais sans accident grave. Cette route horrible, ou plutôt cette muraille presque perpendiculaire, nous conduisit, après deux heures de fatigue, à un plateau de roche où notre vue plongea sur une large vallée intérieure et sur le village d’Éden, qui est bâti à son extrémité la plus élevée et dans la région des neiges ; il n’y a au-dessus d’Éden qu’une immense pyramide de roche nue : c’est la dernière dent de cette partie du Liban ; une petite chapelle ruinée couronne son sommet ; les vents d’hiver rongent sans cesse ce rocher, et en détachent des blocs énormes qui roulent jusque dans le village ; tous les champs des environs en sont semés, et le château même du scheik en est pressé de toutes parts : ce château dont nous approchions est d’une architecture complétement arabe ; les fenêtres sont des ogives accouplées, et séparées par d’élégantes colonnettes ; les terrasses, qui servent de toits et de salons, sont couronnées de créneaux ; la porte voûtée est flanquée de deux siéges élevés en pierre ciselée, et les jambages de la porte même sont revêtus d’arabesques : le scheik était descendu le premier, et nous attendait à la tête de sa maison ; son plus jeune fils, une cassolette d’argent à la main, brûlait des parfums devant nos chevaux, et ses frères nous jetaient des essences parfumées sur les cheveux et sur nos habits ; un magnifique