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Même date.


À midi, campé sous nos tentes, à mi-hauteur du Liban, pour laisser passer l’ardeur du jour. On m’amène un courrier arabe qui allait me chercher à Damas. Il me remet un paquet de lettres arrivées d’Europe, qui m’annoncent ma nomination à la Chambre des députés.

Affliction nouvelle ajoutée à tant d’autres. Malheureusement j’ai désiré cette mission à une autre époque, et sollicité moi-même une confiance que je ne puis, sans ingratitude, décliner aujourd’hui. J’irai ; mais combien je désirerais maintenant que ce calice passât loin de moi ! Je n’ai plus d’avenir personnel dans ce drame du monde politique et social, dont la scène principale est parmi nous. Je n’ai aucune de ces passions de gloire, d’ambition et de fortune, qui sont la force impulsive des hommes politiques. Le seul intérêt que je porterai à ces délibérations passionnées sera l’intérêt de la patrie et de l’humanité. La patrie et l’humanité sont des êtres abstraits pour des hommes qui veulent posséder l’heure présente, et faire triompher, à tout prix, des intérêts de famille, de caste ou de parti. Qu’est-ce que la voix calme et impartiale de la philosophie dans le tumulte des faits qui se mêlent et se combattent ? Qui est-ce qui voit l’avenir et son horizon sans bornes derrière la poussière de la lutte actuelle ? N’importe : l’homme ne choisit ni son chemin ni son œuvre ; Dieu lui donne sa tâche par les cir-