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arbres, le rocher, les ruines de ponts ou d’aqueducs, les neiges, la mer ou le sable de feu du désert, encadrés d’une manière inattendue, arrachent une acclamation de surprise et d’éblouissement. J’ai vu Naples et ses îles, les vallées des Apennins et celles des Alpes, de Savoie et de Suisse ; mais la vallée de Hamana et quelques autres vallées du Liban effacent tous ces souvenirs. L’énormité des masses de rochers, les chutes multipliées des eaux, la pureté et la profondeur du ciel, l’horizon des vastes mers qui les termine partout, le pittoresque des lignes de villages et de couvents maronites suspendus, comme des nids d’hommes, à des hauteurs que le regard craint d’aborder ; enfin la nouveauté, l’étrangeté, la couleur tantôt noire, tantôt pâle, de la végétation ; la majesté des cimes des grands arbres, dont quelques troncs ressemblent à des colonnes de granit ; tout cela dessine, colore, solennise le paysage, et transporte l’âme d’émotions plus profondes et plus religieuses que les Alpes mêmes. — Tout paysage où la mer n’entre pas pour élément n’est pas complet. Ici la mer, le désert, le ciel, sont le cadre majestueux du tableau ; et l’œil ravi se reporte sans cesse du fond des forêts séculaires, du bord des sources ombragées, du sommet des pics aériens, des scènes paisibles de la vie rurale ou cénobitique, sur l’espace bleu sillonné par les navires, sur les cimes de neiges noyées dans le ciel auprès des étoiles, ou sur les vagues jaunes et dorées du désert, où les caravanes de chameaux décrivent au loin leurs lignes serpentales. C’est de ce contraste incessant que naissent le choc des pensées, et les impressions solennelles qui font du Liban des montagnes de pierre, de poésie et de ravissements.