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les légères colonnes de fumée bleue des cabanes des laboureurs maronites, et par les petites ogives de pierre où est suspendue la cloche des villages. Deux vastes monastères, dont les murs brillent comme du bronze cuivré, s’étendent sur deux de ces plateaux de pins. Ils ressemblent à des forteresses du moyen âge. On aperçoit, au bas des couvents, des moines maronites, revêtus de leur capuchon noir, qui labourent entre les ceps de vigne et les grands châtaigniers.

Deux ou trois villages, groupés autour de mamelons de rochers, pyramident plus bas encore, comme des ruches autour des troncs de vieux arbres. À côté de chaque chaumière s’élèvent quelques touffes de verdure plus pâle : ce sont des grenadiers, des figuiers ou des oliviers, qui commencent à fructifier à cet échelon de la vallée ; l’œil s’abîme au delà, dans l’ombre impénétrable du fond de la gorge. S’il franchit cette ombre et s’élève sur le flanc opposé des montagnes, il voit, dans quelques parties, des murailles perpendiculaires de roche granitique qui s’élancent jusqu’aux nuages. Au-dessus de ces murailles, qui semblent crénelées par la nature, il aperçoit des plateaux de la plus splendide végétation, des cimes de sapins pendant sur les rebords de ces abîmes, d’immenses têtes de sycomores qui forment de larges taches sur le ciel ; et derrière ces créneaux de végétation, encore des clochers de villages et de monastères dont on ne peut deviner l’accès. À d’autres endroits, les flancs de granit des montagnes sont brisés en larges échancrures où le regard se perd dans la nuit des forêts, et ne distingue çà et là que des points lumineux et mobiles, qui sont les lits des torrents et les petits lacs des sources.