Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suivre. Nous partîmes aussi ; nous marchâmes quatre heures dans une vallée supérieure où nous ne voyions, comme au sommet du mont Blanc, que la neige sous nos pas et le ciel sur nos têtes. L’éblouissement des yeux, le silence morne, le péril de chaque pas sur ces déserts de neige récente, sans aucun sentier tracé, font du passage de ces hauts piliers de la terre, épine dorsale d’un continent, un moment solennel et religieux. On observe involontairement chaque point de l’horizon et du ciel, chaque phénomène de la nature ; j’en vis un qui me frappa comme une belle image, et que je n’avais encore jamais observé. Tout à fait au sommet du Liban, sur les flancs d’un mamelon abrité à demi du soleil du matin, je vis un magnifique arc-en-ciel, non pas élancé en pont aérien, et unissant le ciel à la cime de la montagne, mais couché sur la neige et roulé en cercles concentriques, comme un serpent aux couleurs éclatantes ; c’était comme le nid de l’arc-en-ciel, surpris à la cime la plus inaccessible du Liban. À mesure que le soleil montait et rasait de ses rayons blancs le mamelon, les cercles de l’arc-en-ciel aux mille couleurs ondoyantes semblaient remuer et se soulever ; l’extrémité de ces volutes lumineuses s’élevait en effet de la terre, montait vers le ciel de quelques toises comme si elle eût essayé de s’élancer vers le soleil, et fondait en vapeurs blanchâtres et en perles liquides qui retombaient autour de nous.

Nous nous assîmes au delà de la région des neiges, pour sécher au soleil nos souliers mouillés ; nous commencions à apercevoir les profondes et noires vallées des Maronites ; en deux heures nous fûmes descendus au village de Hamana, assis au sommet de la magnifique vallée de ce nom, et où