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chevaux sans cavaliers et des mulets sans charges, avec plusieurs chameaux qui s’enfuyaient sur les flancs de neige de la montagne.

Bientôt les Arabes, poussant des cris, les suivirent ; ils nous avertirent de nous arrêter, nous montrant de la main, à quarante ou cinquante pas au-dessous de nous, une masure adossée à un bloc de rocher, que les nuages nous avaient caché jusque-là : une colonne de fumée et la lueur d’un foyer sortaient de la porte de cette cabane, dont le toit, en énormes branches de cèdre, venait d’être à moitié emporté par l’ouragan, et pendait sur le mur ; c’était le seul asile qu’il y eût pour nous sur cette partie du Liban : le kan de Murat-Bey ; un pauvre Arabe l’habite pendant l’été, pour offrir de l’orge et un abri aux caravanes de Damas qui vont par cette route en Syrie. Nous y descendîmes avec peine par des degrés de roche cachés sous un pied de neige ; le torrent qui coule à cent pas au-dessous du kan, et qu’il faut traverser pour gravir la dernière région des montagnes, était devenu tout à coup un fleuve immense qui roulait avec ses eaux des blocs de pierre et des débris de la tempête. Surpris sur ses bords par les tourbillons de vent et à demi ensevelis sous la neige, les Arabes que nous avions rencontrés avaient jeté les fardeaux de leurs chameaux et de leurs mulets, et les avaient laissés sur la place pour se sauver au kan de Murat. Nous le trouvâmes rempli de ces hommes et de leurs montures ; aucune place pour nous ni pour nos chevaux. Cependant, à l’abri du bloc de rocher plus grand qu’une maison, le vent se faisait moins sentir, et les nuées de neige, emportées de la cime du Liban, qui passaient sur nos têtes pour aller s’abattre dans la plaine, commen-