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autres à des brigands du désert. Les feux de bivac jettent leurs fumées bleues, que le vent traîne sur le fleuve ou sur les jardins de Damas.

J’ai assisté au départ de Shérif-Bey. Tous les principaux agas de Damas et les officiers des corps qui y restent s’étaient réunis au sérail. Les vastes cours qu’entourent les murs délabrés du château et du sérail étaient remplies d’esclaves tenant en main les plus beaux chevaux de la ville, richement caparaçonnés ; Shérif-Bey déjeunait dans les appartements intérieurs. Je ne suis pas entré ; je suis resté, avec quelques officiers égyptiens et italiens, dans la cour pavée. De là, nous voyions la foule du dehors, les agas arriver par groupes, et les esclaves noirs passer, portant sur leurs têtes d’immenses plateaux d’étain qui contenaient les différents pilaux du repas. Des chevaux de Shérif-Bey étaient là ; ce sont les plus beaux animaux que j’aie encore vus à Damas ; ils sont turcomans, d’une race infiniment plus grande et plus forte que les chevaux arabes ; ils ressemblent à de grands chevaux normands, avec les membres plus fins et plus musclés, la tête plus légère, et l’œil large, ardent, fier et doux du cheval d’Orient. Ils sont tous bais bruns et à longues crinières : véritables chevaux homériques. À midi, il s’est mis en route, accompagné d’une immense cavalcade jusqu’à deux lieues de la ville.

Au milieu du bazar de Damas, je trouve le plus beau kan de l’Orient, le kan d’Hassad-Pacha. C’est une immense coupole dont la voûte hardie rappelle celle de Saint-Pierre de Rome ; elle est également portée sur des piliers de-granit. Derrière ces piliers sont des magasins et des escaliers con-