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caravane, adressa un mot, fit un signe ; et, au lieu d’entrer dans la ville par le faubourg et par la porte que nous avions devant nous, nous le suivîmes le long des murs, dont nous fîmes presque le tour, à travers ce dédale de jardins et de kiosques, et nous entrâmes par une porte presque déserte, voisine du quartier des Arméniens.

La maison de M. Baudin, où il avait eu la bonté de nous préparer un logement, est dans ce quartier. On ne nous dit rien à la première porte de la ville ; après l’avoir passée, nous longeâmes longtemps de hautes murailles à fenêtres grillées ; l’autre côté de la rue était occupé par un profond canal d’eau courante qui faisait tourner les roues de plusieurs moulins. Au bout de cette rue, nous nous trouvâmes arrêtés, et j’entendis une dispute entre mes Arabes et des soldats qui gardaient une seconde porte intérieure, car tous les quartiers ont une porte distincte. Je désirais rester inconnu, et que notre caravane passât pour une caravane de marchands de Syrie ; mais la dispute se prolongeant et devenant de plus en plus bruyante, et la foule commençant à s’attrouper autour de nous, je donnai de l’éperon à mon cheval, et je m’avançai à la tête de la caravane. C’était le corps de garde des troupes égyptiennes, qui, ayant remarqué deux fusils de chasse que mes domestiques arabes avaient mal cachés sous les couvertures de mes chevaux, refusait de nous laisser entrer ; un ordre de Shérif-Bey, gouverneur actuel de Damas, défendait l’introduction des armes dans la ville, où l’on craignait toutes les nuits une insurrection et le massacre des troupes égyptiennes. J’avais heureusement dans mon sein une lettre récente d’Ibrahim-Pacha ; je la retirai, et la remis à l’officier qui commandait