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le plus sévèrement turc. Un seul Européen, qui a pris lui-même les mœurs et le costume arabes, et qui passe pour un négociant arménien, s’est exposé depuis plusieurs années au danger d’habiter une pareille ville, pour être utile au commerce du littoral de la Syrie, et aux voyageurs que leur destinée pousse dans ces contrées inhospitalières. C’est M. Baudin, agent consulaire de France et de toute l’Europe. Ancien agent de lady Stanhope, qu’il a accompagnée dans ses premiers voyages à Balbek et à Palmyre ; employé ensuite par le gouvernement français pour l’acquisition de chevaux dans le désert, M. Baudin parle arabe comme un Arabe, et a lié des relations d’amitié et de commerce avec toutes les tribus errantes des déserts qui entourent Damas. Il a épousé une femme arabe, d’origine européenne. Il vit depuis dix ans à Damas, et, malgré les nombreuses relations qu’il a formées, sa vie a été plusieurs fois menacée par la fureur fanatique des habitants de la ville. Deux fois il a été obligé de fuir, pour échapper à une mort certaine. Il s’est construit une maison à Zaklé, petite ville chrétienne sur les flancs du Liban, et c’est là qu’il se réfugie dans les temps d’émotion populaire. M. Baudin, dont la vie est sans cesse en péril à Damas, et qui est, dans cette grande capitale, le seul moyen de communication, le seul anneau de la politique et du commerce de l’Europe, reçoit du gouvernement français, pour tout salaire de ses immenses services, un modique traitement de 1,500 francs ; tandis que des consuls, environnés de toutes les sécurités et tout le luxe de la vie dans les autres échelles du Levant, reçoivent d’honorables et larges rétributions. Je ne puis comprendre par quelle indifférence et par quelle injustice les gouvernements européens, et le gouvernement français surtout, négligent