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nous endormîmes au bruit du fleuve qui murmurait sous nos lits.

Le lendemain, parti au jour naissant ; — traversé la seconde moitié du village de Zebdani, plus belle encore que ce que nous avions vu la veille. Le scheik nous fait escorter jusqu’à Damas par quelques hommes à cheval de sa tribu. Nous congédions là les cavaliers de l’émir de Balbek, qui ne seraient pas en sûreté sur le territoire de Damas. Nous marchons pendant une heure dans des chemins bordés de haies vives, aussi larges qu’en France, et parfaitement soignés. Une voûte d’abricotiers et de poiriers couvre la route ; à droite et à gauche s’étendent des vergers sans fin, puis des champs cultivés remplis de monde et de bétail. Tous ces vergers sont arrosés de ruisseaux qui descendent des montagnes à gauche. Les montagnes sont couvertes de neige à leurs sommets. La plaine est immense, et rien ne la limite à nos yeux que les forêts d’arbres en fleur. Après avoir marché ainsi trois heures comme au milieu des plus délicieux paysages de l’Angleterre ou de la Lombardie, sans que rien nous rappelât le désert et la barbarie, nous rentrons dans un pays stérile et plus âpre. La végétation et la culture disparaissent presque entièrement. Des collines de roche, à peine couvertes d’une mousse jaunâtre, s’étendent devant nous, bornées par des montagnes grises plus élevées et également dépouillées. Nous faisons halte sous nos tentes, au pied de ces montagnes, loin de toute habitation. Nous y passons la nuit au bord d’un torrent profondément encaissé qui retentit comme un tonnerre sans fin dans une gorge de rochers, et roule des eaux bourbeuses et des flocons de neige.