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dont ils sont chargés, amortissent la chute ; nous parvenons à les retirer. Nous campons à l’issue de la gorge, auprès d’une source excellente. — Nuit passée au milieu de ce labyrinthe inconnu des montagnes de l’Anti-Liban. Les neiges ne sont qu’à cinquante pas au-dessus de nos têtes. Nos Arabes ont allumé un feu de broussailles sous une grotte, à dix pas du tertre où est plantée notre tente. La lueur du feu perce la toile et éclaire l’intérieur de la tente, où nous nous abritons contre le froid. Les chevaux, quoique couverts de leurs libets, couvertures de feutre, hennissent de douleur. Toute la nuit nous entendons les cavaliers de Balbek et les soldats égyptiens qui gémissent sous leurs manteaux. Nous-mêmes, quoique couverts d’un manteau et d’une épaisse couverture de laine, nous ne pouvons supporter la morsure de cet air glacé des Alpes.

Nous montons à cheval à sept heures du matin, par un soleil resplendissant qui nous fait dépouiller successivement nos manteaux et nos cafetans. Nous passons à huit heures dans une plaine très-élevée, par un grand village arabe, dont les maisons sont vastes et les cours remplies de bétail et de volaille, comme en Europe. Nous ne nous y arrêtons pas. Ce peuple est ennemi de celui de Balbek et des Arabes de Syrie. Ce sont des peuplades presque indépendantes, qui ont plus de rapport avec les populations de Damas et de la Mésopotamie. Ils paraissent riches et laborieux. Toutes les plaines autour de ce village sont cultivées. Nous voyons des hommes, des femmes, des enfants dans les champs. On laboure avec des bœufs. Nous rencontrons des scheiks richement montés et équipés, qui vont à Damas, ou qui en viennent : leur physionomie est rude et féroce ; ils nous re-