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peuple. L’émir et sa famille, ainsi que les principaux scheiks, revêtus de cafetans et de pelisses magnifiques, mais en lambeaux, étaient assis sur une estrade élevée au-dessus de la foule et adossée au principal bâtiment. Derrière eux était un certain nombre de serviteurs, d’hommes armés et d’esclaves noirs. L’émir et sa suite se levèrent à notre approche ; on nous aida à escalader quelques marches énormes, formées de blocs irréguliers qui servaient d’escaliers à l’estrade, et, après les compliments d’usage, l’émir nous fit asseoir sur le divan à côté de lui ; on m’apporta la pipe, et le spectacle commença.

Une musique formée de tambours, de tambourins, de fifres aigus et de triangles de fer, qu’on frappait avec une verge de fer, donna le signal : quatre ou cinq acteurs, vêtus de la manière la plus grotesque, les uns en hommes, les autres en femmes, s’avancèrent au milieu de la cour, et exécutèrent les danses les plus bizarres et les plus lascives que l’œil de ces barbares puisse supporter. Ces danses monotones durèrent plus d’une heure, entremêlées de temps en temps de quelques paroles et de quelques gestes et changements de costume, qui semblaient dénoter une intention dramatique ; mais une seule chose était intelligible, c’était l’horrible et dégoûtante dépravation des mœurs publiques, indiquée par les mouvements des danseurs. Je détournai les yeux ; l’émir lui-même semblait rougir de ces scandaleux plaisirs de son peuple, et faisait, comme moi, des gestes de mépris ; mais les cris et les transports du reste des spectateurs s’élevaient toujours au moment où les plus sales obscénités se révélaient dans les figures de la danse, et récompensaient les acteurs.