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rine ; mais il en reste assez pour signaler au loin le promontoire à l’œil du navigateur, et à l’admiration de l’homme épris des plus belles scènes de la nature.

C’est de là qu’on a, selon moi, la plus splendide apparition du Liban : on est à ses pieds, mais assez éloigné cependant pour que son ombre ne soit pas sur vous, et pour que l’œil puisse l’embrasser dans toute sa hauteur, plonger dans l’obscurité de ses gorges, discerner l’écume de ses torrents, et jouer librement autour des premiers cônes dont il est flanqué, et qui portent chacun un monastère de Maronites, au-dessus d’un bouquet de pins, de cèdres ou de noirs cyprès. — Le Sannin, la cime la plus élevée et la plus pyramidale du Liban, domine toutes les cimes inférieures, et forme, avec sa neige presque éternelle, le fond majestueux, doré, violet, rose, de l’horizon des montagnes, qui se noie dans le firmament, non comme un corps solide, mais comme une vapeur, une fumée transparente, à travers lesquelles on croit distinguer l’autre côté du ciel ; phénomène ravissant des montagnes d’Asie, que je n’ai vu nulle part ailleurs, et dont je jouis tous les soirs sans m’en rendre raison.

Du côté du midi, le Liban s’abaisse graduellement jusqu’au cap avancé de Saïde, autrefois Sidon ; ses cimes ne portent plus de neige que çà et là, sur deux ou trois cimes plus éloignées et plus élevées que les autres et que le reste de la chaîne libanienne : elles suivent, comme une muraille de ville ruinée, tantôt s’élevant, tantôt s’abaissant, la ligne de la plaine et de la mer, et vont mourir dans la vapeur de l’occident, vers les montagnes de la Galilée, aux bords de