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enfants dans les familles où ils s’introduisaient sous prétexte d’y donner des conseils médicaux. Ils me parurent peu disposés à se soumettre aux habitudes un peu ignorantes des évêques maronites en matière d’instruction, et je crois qu’ils reviendront en Europe sans avoir réussi à naturaliser le goût d’une plus haute instruction. Le père français était digne de professer à Rome et à Paris.

Le couvent d’Antoura a passé aux lazaristes après l’extinction de l’ordre des jésuites. Les deux jeunes pères qui l’habitaient étaient venus souvent nous rendre visite à Bayruth. Nous avions trouvé en eux une société aussi aimable qu’inattendue : bons, simples, modestes, uniquement occupés d’études sévères et élevées, au courant de toutes les choses de l’Europe, et participant au mouvement d’esprit qui nous emporte, leur conversation universelle et savante nous avait d’autant plus charmés, que les occasions en sont plus rares dans ces déserts. Quand nous passions une soirée avec eux, parlant des événements politiques de notre patrie, des partis intellectuels qui tombaient ou de ceux qui se reformaient en France, des écrivains qui se disputaient la presse, des orateurs qui conquéraient tour à tour la tribune, des doctrines de l’avenir ou de celles des saint-simoniens, nous aurions pu nous croire à deux lieues de la rue du Bac, causant avec des hommes sortant de Paris le matin pour y rentrer le soir. Ces deux lazaristes étaient en même temps des modèles de sainteté et de ferveur simple et pieuse. L’un d’eux était très-souffrant : l’air vif du Liban rongeait sa poitrine, et raccourcissait le nombre de ses années. Il n’avait qu’un mot à écrire à ses supérieurs pour obtenir son rappel en France ; il ne voulait pas le prendre sur sa conscience. Il