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Mon navire, poussé par l’invisible main,
Glissait en soulevant l’écume du chemin ;
Douze fois le soleil, comme un dieu qui se couche,
Avait roulé sur lui l’horizon de sa couche,
Et s’était relevé bondissant dans les airs,
Comme un aigle de feu, de la crête des mers :
Mes mâts dorment, pliant l’aile sous les antennes ;
Mon ancre mord le sable, et je suis dans Athènes !

Il est l’heure où jadis cette ville de bruit,
Muette un peu de temps sous le doigt de la nuit,
S’éveillant tour à tour dans la gloire ou la honte,
Roule ses flots vivants comme une mer qui monte :
Chaque vent les poussait à leurs ambitions,
Les uns à la vertu, d’autres aux factions,
Périclès au forum, Thémistocle aux rivages,
Aux armes les héros, au Portique les sages,
Aristide à l’exil et Socrate à la mort,
Et le peuple au hasard, et du crime au remord !
Au pied du Parthénon, qu’un homme en turban garde,
J’entends venir le jour, je marche, et je regarde.

Du haut du Cythéron le rayon part : le jour
De cent chauves sommets va frapper le contour,
De leurs flancs à leurs pieds, des champs aux mers d’Ulysse,
Sans que rien le colore et rien le réfléchisse,
Ni cités éclatant de feu dans le lointain,
Ni fumée ondoyante au souffle du matin,
Ni hameaux suspendus au penchant des montagnes,
Ni voiles sur les eaux, ni tours dans les campagnes.
La lumière, en passant sur ce sol du trépas,
Y tombe morte à terre et n’en rejaillit pas :
Seulement le rayon le plus haut de l’aurore
Effleure sur mon front le Parthénon qu’il dore ;