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bouclés, et la peau rose et blanche, résistent au soleil de Calcutta comme à celui de Malte ou de Corfou. — À voir ces enfants sous le manteau noir et sous le regard brûlant de ces femmes demi-africaines, on dirait de beaux et blancs agneaux suspendus aux mamelles des tigresses du désert. — Sur la terrasse, c’est une autre scène ; les Anglais et les Maltais se la partagent. — D’un côté, vous voyez quelques jeunes filles de l’île tenant la guitare sous le bras, et jetant quelques notes d’un vieil air national, sauvage comme le climat ; de l’autre, une jeune et belle Anglaise, mélancoliquement penchée sur son coude, contemplant indifféremment la scène de vie qui passe sous ses regards, et feuilletant les pages des poëtes immortels de son pays.

Ajoutez à ce coup d’œil les chevaux arabes montés par les officiers anglais, et courant, les crins épars, sur le sable du quai ; — les voitures maltaises, espèces de chaises à porteurs sur deux roues, attelées d’un seul cheval barbaresque que le conducteur suit à pied au galop, les reins noués d’une ceinture rouge à longues franges, et le front couvert de la résille ou du bonnet rouge, pendant jusqu’à la ceinture, du muletier espagnol ; — les cris sauvages des enfants nus qui se précipitent dans la mer et nagent sous notre barque, les chants des Grecs ou des Siciliens mouillés dans le port voisin, et se répondant en chœur d’un pont de navire à l’autre, et les notes monotones et sautillantes de la guitare, formant comme un doux bourdonnement de l’air du soir au-dessus de tous ces sons aigus ; et vous aurez une idée d’un quai de l’Empsida le dimanche au soir.