Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que Dieu l’a faite et non pas telle que l’homme la trouve. — Elle nous frappe comme l’éclair, sans que l’œil ait la peine de la chercher. — Elle illumine tout du premier jet. — L’inspiration dans tous les arts comme sur un champ de bataille est aussi cet instinct, cette raison devinée. Le génie aussi est instinct, et non logique et labeur. Plus on réfléchit, plus on reconnaît que l’homme ne possède rien de grand et de beau qui lui appartienne, qui vienne de sa force ou de sa volonté ; mais que tout ce qu’il y a de souverainement beau vient immédiatement de la nature et de Dieu. — Le christianisme, qui sait tout, l’a compris du premier jour. — Les premiers apôtres sentirent en eux cette action immédiate de la Divinité, et s’écrièrent dès la première heure : Tout don parfait vient de Dieu.

Revenons aux peuples. — Je n’ai jamais pu aimer les Romains ; je n’ai jamais pu prendre le moindre intérêt de cœur à Carthage, malgré ses malheurs et sa gloire. — Annibal ne m’a jamais paru qu’un général de la Compagnie des Indes, faisant une campagne industrielle, une brillante et héroïque opération de commerce dans les plaines de Trasimène. — Ce peuple, ingrat comme tous les peuples égoïstes, l’en récompensa par l’exil et la mort ! — Pour sa mort, elle fut belle, elle fut pathétique, elle me réconcilie avec ses triomphes ; j’en ai été remué dès mon enfance. — Il y a toujours pour moi, comme pour l’humanité tout entière, une sublime et héroïque harmonie entre la souveraine gloire, le souverain génie et la souveraine infortune. — C’est là une de ces notes de la destinée qui ne manque jamais son effet, sa triste et voluptueuse modulation dans le cœur humain ! Il n’est point en effet de gloire sympathique, de vertu com-