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dans mon cœur, de hauts et terribles enseignements dans mon esprit. Les études que j’y ai faites sur les religions, l’histoire, les mœurs, les traditions, les phases de l’humanité, ne sont pas perdues pour moi. Ces études, qui élargissent l’horizon si étroit de la pensée, qui posent devant la raison les grands problèmes religieux et historiques, qui forcent l’homme à revenir sur ses pas, à scruter ses convictions sur parole, à s’en formuler de nouvelles ; cette grande et intime éducation de la pensée par la pensée, par les lieux, par les faits, par les comparaisons des temps avec les temps, des mœurs avec les mœurs, des croyances avec les croyances, rien de tout cela n’est perdu pour le voyageur, le poëte ou le philosophe ; ce sont les éléments de sa poésie et de sa philosophie à venir. Quand il a amassé, classé, ordonné, éclairé, résumé l’innombrable multitude d’impressions, d’images, de pensées, que la terre et les hommes parlent à qui les interroge ; quand il a mûri son âme et ses convictions, il parle à son tour ; et, bonne ou mauvaise, juste ou fausse, il donne sa pensée à sa génération, ou sous la forme de poëme, ou sous la forme philosophique. Il dit son mot, ce mot que tout homme qui pense est appelé à dire. Ce moment viendra peut-être pour moi : il n’est pas venu encore.