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15 juillet.


Nous avons visité la maison du capitaine de notre brick. Jolie demeure, modeste, mais ornée. Nous fûmes reçus par la jeune femme, souffrante et triste du départ précipité de son mari. Je lui offris de la prendre à bord et de nous accompagner pendant ce voyage, qui devait être plus long que les voyages ordinaires d’un bâtiment de commerce. Sa santé s’y opposait : elle allait seule, sans enfants et malade, compter de longs jours, et de longues années peut-être, pendant l’absence de son mari. Sa figure douce et sensible portait l’empreinte de cette mélancolie de son avenir et de cette solitude de son cœur. La maison ressemblait à une maison flamande ; ses murs étaient tapissés des portraits de vaisseaux que le capitaine avait commandés. Non loin de là, il nous mena voir dans la campagne une maison où il se préparait, quoique jeune, un asile pour se retirer du vent et du flot. Je fus bien aise d’avoir vu l’établissement champêtre où cet homme méditait d’avance son repos et son bonheur pour sa vieillesse. J’ai toujours aimé à connaître le foyer, les circonstances domestiques de ceux avec qui j’ai dû avoir affaire dans ce monde. C’est une partie d’eux-mêmes, c’est une seconde physionomie extérieure qui donne la clef de leur caractère et de leur destinée.

La plupart de nos matelots sont aussi de ces villages. Hommes doux, pieux, gais, laborieux, maniant le vent, la