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verneur si bien disposé, je lui témoignai le désir, non pas d’entrer dans la mosquée d’Omar, puisque je savais qu’une telle démarche eût été contraire aux mœurs du pays, mais d’en contempler l’extérieur. « Si vous l’exigez, me répondit-il, tout vous sera ouvert ; mais je m’exposerais à irriter profondément les musulmans de la ville : ils sont encore ignorants ; ils croient que la présence d’un chrétien dans l’enceinte de la mosquée leur ferait courir de grands périls, parce qu’une prophétie dit que tout ce qu’un chrétien demanderait à Dieu dans l’intérieur d’El-Sakara, il l’obtiendrait ; et ils ne doutent pas qu’un chrétien n’y demandât à Dieu la ruine de la religion du Prophète et l’extermination des musulmans. Pour moi, ajouta-t-il, je n’en crois rien : tous les hommes sont frères, bien qu’ils adorent, chacun dans leur langue, le Père commun ; il ne donne rien aux uns aux dépens des autres ; il fait luire son soleil sur les adorateurs de tous les prophètes ; les hommes ne savent rien, mais Dieu sait tout ; Allah kérim ! Dieu est grand ! » et il inclina sa tête en souriant. « Dieu me préserve, lui dis-je, d’abuser de votre hospitalité, et de vous exposer pour satisfaire une vaine curiosité de voyageur ! Si j’étais dans la mosquée d’El-Sakara, je ne prierais pour l’extermination d’aucun peuple, mais pour la lumière et le bonheur de tous les enfants d’Allah. » À ces mots, nous nous levâmes ; il nous conduisit par un corridor à une fenêtre de son sérail, qui donnait sur les cours extérieures de la mosquée. Nous ne pûmes pas en saisir aussi bien l’ensemble en cet endroit, qu’on le fait du haut de la montagne des Oliviers : nous ne vîmes que les murs de la coupole, quelques portiques moresques de l’architecture la plus élégante, et les cimes des cyprès qui croissent dans les jardins intérieurs.