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voulu prendre pour que des étrangers comme nous pussent visiter sans péril les lieux consacrés par leur religion. Il me répondit avec un sourire obligeant qu’il ne faisait que son devoir ; que les amis d’Ibrahim étaient ses amis ; qu’il répondait d’un cheveu de leurs têtes ; qu’il était prêt, non-seulement à faire pour moi ce qu’il avait fait, mais encore à marcher lui-même, si je l’ordonnais, avec ses troupes, et à m’accompagner partout où ma curiosité ou ma religion m’inspirerait le désir d’aller, dans les limites de son gouvernement ; que tel était l’ordre du pacha. Puis il s’informa de nous, des nouvelles de la guerre, et de la part que les puissances de l’Europe prenaient à la fortune d’Ibrahim. Je lui répondis de manière à satisfaire ses pensées secrètes : que l’Europe admirait dans Ibrahim-Pacha un conquérant civilisateur ; que, sous ce rapport, elle prenait intérêt à ses victoires ; qu’il était temps que l’Orient participât aux bienfaits d’une meilleure administration ; que le pacha d’Égypte était le missionnaire armé de la civilisation européenne en Arabie ; que sa bravoure et la tactique qu’il nous empruntait lui donnaient la certitude de vaincre le grand vizir, qui s’avançait à sa rencontre en Caramanie ; que, selon toute apparence, il remporterait là une grande victoire, et marcherait sur Constantinople ; qu’il n’y entrerait pas, parce que les Européens ne le lui permettraient pas encore, mais qu’il ferait la paix avec leur médiation, et garderait l’Arabie et la Syrie en souveraineté permanente. C’était là ce qui touchait au cœur du vieux révolté de Naplouse : ses regards buvaient mes paroles, et son fils et ses amis penchaient leurs têtes au-dessus de la mienne pour ne pas perdre un mot de cette conversation, qui était pour eux l’augure d’une longue et paisible domination dans Samarie. Quand je vis le gou-