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et son âme, entre l’insecte pensant et le Créateur : ces impressions ne s’écrivent point ; elles s’exhalent avec la fumée des lampes pieuses, avec les parfums des encensoirs, avec le murmure vague et confus des soupirs ; elles tombent avec les larmes qui viennent aux yeux au souvenir des premiers noms que nous avons balbutiés dans notre enfance, du père et de la mère qui nous les ont enseignés, des frères, des sœurs, des amis avec lesquels nous les avons murmurés ; toutes les impressions pieuses qui ont remué notre âme à toutes les époques de la vie, toutes les prières qui sont sorties de notre cœur et de nos lèvres au nom de celui qui nous apprit à prier son Père et le nôtre ; toutes les joies, toutes les tristesses de la pensée dont ces prières furent le langage, se réveillent au fond de l’âme, et produisent, par leur retentissement, par leur confusion, cet éblouissement de l’intelligence, cet attendrissement du cœur, qui ne cherchent point de paroles, mais qui se résolvent dans des yeux mouillés, dans une poitrine oppressée, dans un front qui s’incline, et dans une bouche qui se colle silencieusement sur la pierre d’un sépulcre. Je restai longtemps ainsi, priant le ciel, le Père, là, dans le lieu même où la plus belle des prières monta pour la première fois vers le ciel ; priant pour mon père ici-bas, pour ma mère dans un autre monde, pour tous ceux qui sont ou qui ne sont plus, mais avec qui le lien invisible n’est jamais rompu : la communion de l’amour existe toujours ; le nom de tous les êtres que j’ai connus, aimés, dont j’ai été aimé, passa de mes lèvres sur la pierre du saint sépulcre. Je ne priai qu’après pour moi-même ; ma prière fut ardente et forte ; je demandai de la vérité et du courage devant le tombeau de celui qui jeta le plus de vérité dans ce monde, et mourut avec le plus de