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bâton levé des janissaires du gouverneur. Ça et là, quelques marchands de pain et de fruits, couverts de haillons, assis sur le seuil de petites échoppes, avec leurs paniers sur leurs genoux, et criant leurs marchandises à la manière de nos halles de grandes villes. De temps en temps une femme voilée paraît à la fenêtre grillée en bois de ces maisons ; un enfant ouvre une porte basse et sombre, et vient acheter, pour la famille, la provision du jour. Ces rues sont partout obstruées de décombres, d’immondices amoncelées, et surtout de tas de chiffons de drap ou d’étoffe de coton teinte en bleu, que le vent balaye comme les feuilles mortes, et dont nous ne pouvons éviter le contact. C’est par ces immondices et ces lambeaux d’étoffes, dont le pavé des villes d’Orient est couvert, que la peste se communique le plus.

Jusqu’ici nous ne voyons, dans les rues de Jérusalem, rien qui annonce la demeure d’une nation ; aucun signe de richesse, de mouvement et de vie ; l’aspect extérieur nous avait trompés comme nous l’avions été si souvent déjà dans d’autres villes de la Grèce ou de la Syrie. La plus misérable bourgade des Alpes ou des Pyrénées, les ruelles les plus négligées de nos faubourgs abandonnés aux dernières classes de nos populations d’ouvriers, ont plus de propreté, de luxe et d’élégance que ces rues désertes de la reine des villes. Nous ne rencontrons que quelques cavaliers bédouins, montés sur des juments arabes, dont le pied glisse, ou s’enfonce dans les trous dont le pavé est labouré. Ces hommes n’ont pas l’air noble et chevaleresque des scheiks arabes de la Syrie et du Liban. Ils ont la physionomie féroce, l’œil du vautour et le costume du brigand.