Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/434

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoir ni aimé, ni prié, ni chanté ! — Mais je remonte au palais de David. Il plonge ses regards sur la ravine alors verdoyante et arrosée de Josaphat ; une large ouverture dans les collines de l’est conduit de pente en pente, de cime en cime, d’ondulation en ondulation, jusqu’au bassin de la mer Morte, qui réfléchit là-bas les rayons du soir dans ses eaux pesantes et épaisses, comme une épaisse glace de Venise qui donne une teinte mate et plombée à la lumière qui l’effleure. Ce n’est point ce que la pensée se figure, un lac pétrifié dans un horizon triste et sans couleur. C’est d’ici un des plus beaux lacs de Suisse ou d’Italie, laissant dormir ses eaux tranquilles entre l’ombre des hautes montagnes d’Arabie qui s’étendent, comme des Alpes, à perte de vue derrière ses flots, et entre les cimes élancées, pyramidales, coniques, légères, dentelées et étincelantes des dernières montagnes de la Judée. Voilà la vue de Sion ! — Passons.

Il y a une autre scène de paysage de Jérusalem que je voudrais me graver à moi-même dans la mémoire ; mais je n’ai ni pinceau ni couleur. C’est la vallée de Josaphat ! vallée célèbre dans les traditions de trois religions, où les Juifs, les chrétiens et les mahométans s’accordent à placer la scène terrible du jugement suprême ! — vallée qui a vu déjà sur ses bords la plus grande scène du drame évangélique : les larmes, les gémissements et la mort du Christ ! vallée où tous les prophètes ont passé tour à tour, en jetant un cri de tristesse et d’horreur qui semble y retentir encore ! vallée qui doit entendre une fois le grand bruit du torrent des âmes roulant devant Dieu, et se présentant d’elles-mêmes à leur fatal jugement !