Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/420

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sent et s’élèvent comme des avalanches éternelles, prêtes à engloutir le passant. Les derniers pas que l’on fait avant de découvrir Jérusalem sont creusés au milieu d’une avenue immobile et funèbre de ces rochers qui s’élèvent de dix pieds au-dessus de la tête du voyageur, et ne laissent voir que la partie du ciel qui est au-dessus d’eux : nous étions dans cette dernière et lugubre avenue, nous y marchions depuis un quart d’heure, quand les rochers, s’écartant tout à coup à droite et à gauche, nous laissèrent face à face avec les murs de Jérusalem, auxquels nous touchions sans nous en douter. Un espace vide de quelques centaines de pas s’étendait seul entre la porte de Bethléem et nous : cet espace, aride et ondulé comme ces glacis qui entourent de loin les places fortes de l’Europe et désolé comme eux, s’ouvrait à droite, et s’y creusait en un étroit vallon, qui descendait en pente douce, et à gauche il portait cinq vieux troncs d’oliviers à demi couchés sous le poids du temps et des soleils ; arbres pour ainsi dire pétrifiés, comme les champs stériles d’où ils sont péniblement sortis.

La porte de Bethléem, dominée par deux tours couronnées de créneaux gothiques, mais déserte et silencieuse comme ces vieilles portes de châteaux abandonnés, était ouverte devant nous. Nous restâmes quelques minutes immobiles à la contempler ; nous brûlions du désir de la franchir, mais la peste était à son plus haut période d’intensité dans Jérusalem : on ne nous avait reçus au couvent de Saint-Jean-Baptiste du désert que sous la promesse la plus formelle de ne pas entrer dans la ville. Nous n’entrâmes pas ; — et, tournant à gauche, nous descendîmes lentement le long des hautes murailles, bâties au revers d’un ravin